La barbe touffue et négligée, les yeux rouges, un couteau rafistolé en main, il vient de trancher le sexe d’un enfant. Un attroupement s’est créé. Le sang gicle, l’enfant se tord de douleur. Ses cris, les commentaires des témoins ameutent davantage de personnes. La peur se lit dans les visages. L’humanité aussi.
Saïdou n’est pas à son premier acte. C’est une habitude, un métier. Ce Nigérien d’une quarantaine d’années ne sait plus combien de personnes ont subi le même sort entre ses mains habituées au sang de « bijoux de famille ». En plein Cocody, sa pancarte toise une grande clôture, bandée à un poteau électrique. On y lit : « circoncieur ». Un métier séculaire qui subsiste malgré la vulgarisation de la médecine conventionnelle dans ce quartier huppé du principal pôle économique ivoirien, et dans le reste du pays.
En Côte d’Ivoire, ce métier est l’apanage de ressortissants Nigériens. Les « kpêtoi ».
Dans les hôpitaux, l’intervention tourne autour de 5 000 F CFA contre 10 000 voire 20 000 F CFA assortis de divers présents dont des morceaux de savon, un poulet quelques fois pour les chirurgiens traditionnels. Si l’opération de circoncision est homologuée et moins coûteuse auprès des médecins conventionnels, le métier de Saïdou n’est pas prêt de disparaître. Plusieurs parents préfèrent laisser la tâche de la circoncision de leurs garçons aux Kpêtoi. Souvent, le même par qui monsieur est passé personnellement ou un proche. Les Nigériens ont la réputation de pouvoir faire grossir le pénis à l’aide de potions secrètes. Un argument en plus qui milite peut être en leur faveur. L’OMS recommande une opération à confier à des praticiens qualifiés et à pratiquer dans de bonnes conditions hygiéniques au risque de complications.
Bien menée, la circoncision revêt de multiples avantages. Pour l’OMS, « c’est un moyen supplémentaire important de réduire le risque de transmission hétérosexuelle de l’infection du VIH chez l’homme ». En 2007 déjà, la circoncision concernait 30% de la population masculine mondiale. Selon les projections des experts de l’organisation, la circoncision pourrait éviter 5,7 millions de nouveaux cas d’infection au VIH et autour de trois millions de décès sur vingt (20) ans en Afrique subsaharienne. Une option à combiner avec d’autres moyens de prévention, toutefois.
Au sein de la gent féminine, c’est une donne qui va au-delà du sanitaire. Félicité n’ose pas s’imaginer avec un homme non circoncis. « Comment lui ferais-je la pipe », interroge-t-elle avant d’ajouter « ce serait déguelasse », le visage froissé rien qu’à l’évoquer. C’est à juste titre que plusieurs femmes lancent à cet enfant de trois ans, il y a quelques jours entre les mains du « chirurgien » Saïdou: « tu es devenu garçon » ! Et, à certaines d’ajouter, « un vrai de vrai », un clin d’œil fait à la forme du zizi du garçonnet.