Près de trois mois déjà que l’alarme est donnée. Le pain vendu dans les boulangeries togolaises contient des produits toxiques. Dangereux pour la santé des consommateurs. Mais, malgré la récente interdiction de la substance mis en cause, les boulangers traînent à abandonner son usage dans la fabrication du pain.
« Plus de 90% des boulangers et pâtissiers utilisent le bromate de potassium appelé communément « B via » dans la fabrication du pain sucré ou salé, du Sakomi ou du bon pain », alerte Martin Kokou Aziato, ingénieur agroalimentaire, chef section Technologie Alimentaire à l’Institut Togolais de Recherche Agronomique (ITRA). Le bromate de potassium, interdit dans plusieurs pays dont le Bénin voisin ou le Nigéria pour sa dangerosité est un tueur silencieux, prévient à son tour l’Organisation pour l’Alimentation et le Développement Local (Aodel) au Togo. Une substance cancérigène dont les effets apparaissent au bout de quelques années. Selon cet expert de l’ITRA, « ce n’est pas un produit dont l’effet est simultané. Une dizaine d’années après, les consommateurs constatent des cas de cancer qui apparaissent », détaille-t-il non sans préciser que le risque est transversal: un danger à la fois pour les fabricants de pain et les consommateurs. Les associations de consommateurs crient au secours depuis des mois dans ce pays où entre 2 500 et 3 000 personnes meurent d’un cancer chaque année, avec 3 700 nouveaux cas de cancers détectés annuellement. Ce, alors que le Togo ne dispose pas encore d’Institut de cancérologie.
Le bromate de potassium, utilisé pour faire gonfler le pain et garder sa forme, est également présent dans le pain industriel. Un aliment entré dans les habitudes alimentaires des Africains comme biens d’autres aliments industriels avec l’avènement de la grande distribution. Les chercheurs du Centre for Science and Environment expliquent que le bromate de potassium peut causer des douleurs abdominales, de la diarrhée, des vomissements, l’insuffisance rénale, l’hypotension, la surdité. Et, « s’il est mal dosé, il peut endommager le système nerveux » chez les consommateurs, en plus de favoriser l’apparition de cancers.
Plusieurs autres études scientifiques indexent les aliments industriels dits ultratransformés dans la survenance de maladies chroniques notamment d’une épidémie de l’obésité entre autres risques alimentaires sur le continent notamment en Afrique de l’ouest. En octobre 2018, l’OCDE note ainsi 52 millions de personnes obèses ou en surpoids dans cette région.
Des conclusions soutenues également par le National Institut of Diabetes and Digestive and Kindney Diseases. Dans une étude publiée en mars 2019, les chercheurs Canadiens ont démontré une « différence claire et cohérente » entre un régime contenant moins d’aliments transformés et un autre bien fourni en substances chimiques. Les personnes qui consomment le plus de produits faits d’ingrédients industriels et d’additifs (fast-foods, boissons gazeuses, par exemples), courent un risque 32% plus élevé de devenir obèses par rapport à celles qui en consomment le moins. Parallèlement, des scandales sanitaires liés à la présence de substances douteuses voire dangereuses minent l’industrie agroalimentaire. Les produits laitiers Lactalis ou Modilac pour nourrissons, la viande, les oeufs contaminés mis sur les marchés européens et déversés par ailleurs en Afrique sont encore récents pour en témoigner. Encore que la présence de toxines dans les sols et les emballages alimentaires apportent leurs lots de polluants : résidus de pesticides, particules fines et autres. Pour les chercheurs Canadiens, l’alimentation contenant des produits industriels est à éviter au maximum au profit « d’aliments sains ». Mais, en Afrique, la mode est à l’ultra-transformé, constate l’OCDE. Sur place, c’est clairement « une transition nutritionnelle dans un contexte d’urbanisation rapide, caractérisée par l’évolution des habitudes de consommation alimentaire et par une activité physique réduite ». Dans les sorties et loisirs d’adolescents, de couples et festivités de jeunes, les consommations locales bio sont rabrouées pour les plaisirs éphémères et mortifères des consommations industrialisées ultra transformées. L’insuffisance rénale sévit. La prise de conscience est tardive au soir des vies ou quand la mort frappe aux portes avec les maladies nouvelles. Avec l’éclosion de la livraison sur place, c’est souvent la maladie livrée sur place.
La Côte d’Ivoire, avec la vingtaine de millions d’habitants, pourrait compter au moins 60 millions à l’aune de l’agenda 2063 du continent. Quand, à l’échelle continentale, l’Afrique se projette à 2,5 milliards d’habitants. L’industrialisation est donc un défi certain mais sa durabilité l’est encore plus. Les ressources et les fondamentaux culturels en Afrique favorisent un développement durable selon nombre d’analystes.