Le voici qui se presse. Bientôt 18h. La rupture du jeûne n’est pas la raison pour laquelle il demande l’heure. « Il faut que je suive la finale en direct », lance cet homme avec un ballot de vêtements sur la tête qui reprend son chemin aussitôt. Le pas pressé. Les chaussures remplies de boue. Il y’a de l’eau partout. Non loin, un kiosque à café s’anime. Ahmed zappe avec vigueur pour vérifier si les chaînes sportives ne sont pas coupées. Il pleut un peu. Et en pareil moment, « chez nous qui avons un abonnement parallèle, on est souvent confronté à des coupures », explique le gérant. Déjà, quelques personnes ont pris place. La foule sera certainement au rendez-vous, et il faut être aux premières loges devant cet écran d’à peine 14 pouces.

Le coup de sifflet marquant le début du match retentit quand un autre s’achève… Des supporters des deux équipes viennent de vider de copieux repas de riz afin d’assister à la rencontre en pleine forme autant que les joueurs. C’est la rupture collective du jeûne.

Malgré la pluie menaçante et les goutes qui tombent, plusieurs personnes sont sorties regarder le match en public. « Il n’y a pas meilleure ambiance pour regarder un match de football », fait remarquer ce trentenaire le nez dans son plat de spaghetti.

Certes, ce n’est pas une grande affluence aux différents endroits dédiés. Mais, elle bat à plate couture la mobilisation constatée lors de compétions locales, expliquent le tenancier d’un maquis à quelques pas. Une trentaine de personnes de générations confondues suivent, des bouteilles de bières entamées et plusieurs vides en cette première période. C’est Yopougon, la cité de la joie. Et, nous sommes le premier samedi du mois.

Plus loin, un gérant de bistrot à sorti un écran plasma. Un marketing agressif dans lequel chacun avance ces pions. Des verres de koutoukou devant les meilleurs spectateurs, d’autres sont arrêtés. Posture qu’ils tiennent pendant la durée du match.

À la deuxième minute de la confrontation, Gérard, 17 ans, crie plus fort que tous les autres supporters de Liverpool. Salah vient d’inscrire le premier but. Si Gérard s’égosille autant c’est qu’il a parié. Le jeune homme a misé 1 000 F CFA sur la victoire des Red devils. Au-delà des préférences des uns et des autres sur Tottenham ou Liverpool qui s’affrontent dans cette finale de la league des champions européenne, les paris sportifs justifient certaines postures.

Les commentaires fusent ça et là. Historique des clubs, palmarès des joueurs…Tout y passe. Même les plus jeunes sont aussi documentés. Et quand on évoque la finale de la version africaine de cette compétition de football, c’est le silence radio. « Ça c’est quand ? », interroge ce supporter de Liverpool dont l’équipe vient d’encaisser un second but à cette 87e minute du match en cours sur la terrasse d’une boulangerie.

La finale de la champions league africaine s’est déroulée la veille, vendredi 31 mai. Un match tumultueux dont les échos ont gagné la planète. Un déroulé insolite. Le match opposant l’Espérance Tunis au Wydad Casablanca a duré une heure de temps avec 90 minutes d’interruption. Les Marocains ont quitté le terrain après l’invalidation d’un but d’égalisation à la 60ème minute, outrés en plus par la défection de l’assistance vidéo, en panne.
Tout ça, tous ces supporters ou presque l’ignorent. Le niveau des compétions locales est remis en cause. Moins d’attraits. Au coup de sifflet final, on se dit prêts à replonger sinon enjamber la méditerranée pour suivre les meilleurs matchs du monde. Des ressortissants africains font la pluie et le beau temps dans ces championnats, pourtant, à l’image de l’Égyptien Mohamed Salah ou du Sénégalais Sané, vainqueurs ce soir. Et, c’est là tout le contraste. Même au sport, le meilleur est derrière la méditerranée. La Copa America risque de rivaliser de mobilisation avec la Coupe d’Afrique des nations ( CAN) prévues toutes deux en ce mois de juin. Ce rêve de plusieurs adeptes et fans de déguster leurs matchs européens en direct arborant fièrement le maillot du club se poursuit. Toute cette économie du sport est encore peu valorisée au niveau local et continental.