Dix ans d’absence d’une opposition amputée et une métamorphose perceptible dès la descente de l’avion. La ville d’Abidjan présente un nouveau visage architectural. De nouvelles infrastructures éblouissent, la nostalgie de certains endroits titille quand des signes de délabrement avancé interrogent sur la pertinence des dépenses publiques ou l’efficacité des gouvernants à garantir l’équité. 

« C’est une honte » ! L’état de délabrement de la voirie dans la commune de Yopougon irrite automobilistes et usagers de la route, dans leur ensemble. Au volant de son véhicule personnel, Sindou déplore les pannes répétitives dues à l’état des routes dans la plus grande commune du pays. Selon cet opérateur économique, Yopougon est sans doute la commune la plus impraticable d’Abidjan. Une précarité vécue comme une injustice

A Gabriel gare, ce mercredi 16 juin, des pluies persistantes s’enchainent. Déjà trempés, les piétons sont pourchassés par les véhicules qui se bousculent le trottoir. Dans un périmètre peu éclairé ; il est 20 h 30min passées. Le journal télévisé subventionné par une redevance encaissée ipso facto aux citoyens affiche vu et ignoré. Un mini-car (Gbaka) embourbé peine à sortir de ce trou béant propice à une baignade de porcs en cette saison des pluies. L’affluence est grande dans cette zone qui abrite plusieurs commerces dont la célèbre boucherie porcine, Gabriel gare, avec ses restaurants adulés. Jusqu’à Siporex, principale entrée dans la commune, le rond-point annonce les couleurs d’une série de calvaires. En plus du tronçon Siporex-Sable parsemé de lacs, la voie menant au CHU local est une championne des embouteillages à cause de son état de dégradation avancée. La pénibilité pour l’acheminement des denrées alimentaires sur cet axe essentiel pour rejoindre le corridor Gesco, porte sur la plus grande partie des régions et les pays septentrions, constitue une énorme perte économique.

De Lièvre rouge à Azito, de Port-Bouet 2 à Selmer, la liste des calamités de la voirie interne pousse de nombreux habitants de Yopougon à se considérer comme un électorat victime de la crise postélectorale de 2011. Dans sa robe fleurie, cette gérante d’un maquis à la rue princesse, en compagnie d’un manager de bar, déplorent un traitement injuste qui complexifie l’économie des citoyens de la commune. Leurs espoirs sont tournés vers le retour du « Président Gbagbo » appelé affectueusement « Mon Président ».

Alors que, la commune de Yopougon compte parmi les mieux dotées en termes de budget. Son budget primitif 2021 voté par le Conseil municipal dépasse les neuf (9) milliards contre six (6) pour Abobo, bastion du pouvoir.

Du côté d’Abidjan sud, Koumassi quant à elle est une fierté. En quelques années, elle s’est métamorphosée. C’est un exemple cité dans les discussions au sein des populations et dans la classe dirigeante. « Eh oui, le maire de Koumassi montre qu’on peut faire de belles choses dans nos cités si seulement on a la volonté et la conscience de l’intérêt général », soutient ce cadre avec une large approbation citoyenne. Deux jeunes étudiants de la génération Z affichent leur fierté, sans vouloir s’immiscer dans la confrontation des bords politiques. A Koumassi, l’on déguerpit pour améliorer. L’anarchie fait place à la beauté, au respect du domaine public, à l’ordre. A Yopougon, les commerces broyés par les bulldozers n’ont pas de remplacements mélioratifs. Les gravats de Siporex, du Sable, de Sicogi accumulent les regrets et mécontentements. Des familles privées de l’unique source de revenus sans recasement s’interrogent sur l’opportunité d’anéantir des entreprises quand l’instigateur va mettre des lustres avant d’exploiter les espaces.

La précarité grandit chez les commerçants et autres travailleurs informels. La sous-productivité dans l’administration et les entreprises formalisées gangrène. Dans une étude sur la mobilité à Abidjan, la Banque mondiale mesure l’impact de la qualité de la mobilité sur la productivité des travailleurs. Deux ans après la parution de l’étude, sortir de Yopougon, commune populaire, est un calvaire. Circuler en interne, détériore les humeurs, lessive. « Que la route soit bonne » avait souhaité la Banque mondiale en intitulant son rapport de la sorte.

Le Maire Koné Kafana, en fonction depuis près d’une décennie, est un cadre influent parmi les tenants du pouvoir RHDP. La commune qu’il dirige, Yopougon, représente un pôle d’émanation d’une stabilité durable dans le district d’Abidjan, par la richesse de son brassage.

Cependant, la mauvaise qualité des élections présidentielles en Côte d’Ivoire pose successivement des problèmes de légitimité qui rejaillissent sur les collectivités. « La Côte d’Ivoire est un pays majeur dans la sous-région. J’encourage les ivoiriens à persévérer dans leurs efforts en faveur de la réconciliation nationale, la paix et la prospérité en Côte d’Ivoire », appelle Mahamat ANNADIF, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique de l’ouest et le Sahel, ce 15 juin, lors de sa récente visite en Côte d’Ivoire.

Les intimidations constatées ce 17 juin, en marge de la mobilisation des partisans de Laurent Gbagbo à Yopougon, au carrefour Akwaba – ce symbole d’une Côte d’Ivoire accueillante – ternissent la dynamique d’une vie démocratique à bâtir ensemble. Contre-pouvoir et tenant du pouvoir. L’inconfiance installée entre les citoyens eux-mêmes et dans leur relation avec l’Etat restent autant d’urgences à traiter pour des générations libres, dignes, créatives et épanouies en Côte d’Ivoire, au delà du retour historique de Laurent Gbagbo. Afin que, règnent, paix, justice et institutions efficaces en Côte d’Ivoire, conformément au défi 16 des ODD (Objectifs du développement durable).

Cyril Verb