Les tensions dans les relations sociales en Côte d’Ivoire se multiplient. Ce lundi 16 juin, un drame intensifie les protestations. M’Boua C K, un adolescent de 14 ans, meurt après son agression par un agent de la police nationale. Ce drame soulève d’autres violences énumérées par bon nombre de citoyens, alors qu’à l’échelle nationale les signaux d’injustices retentissent à quelques mois de l’élection présidentielle.

Devant le palais de justice, dans la commune du Plateau, des députés et des citoyens ont dénoncé une instrumentalisation de l’appareil judiciaire. Ces protestations s’étendent à d’autres communes du district  d’Abidjan et gagnent des villes à l’intérieur du pays. En cause, l’exclusion d’une grande partie des citoyens au droit de vote, par le refus d’une révision de la liste en pleine année électorale et la radiation de potentiels candidats dotés d’une popularité redoutable.

Parmi ceux-ci, figure l’ancien président de la République, Laurent Gbagbo, acquitté par la Cour Pénal Internationale, après une décennie infernale, précédée par la crise post-électorale de 2010. « Deux modes de pensée s’affrontent aujourd’hui : ceux qui croient au Peuple, et ceux qui croient aux armes. Nous, nous croyons au Peuple. Le pouvoir doit être au Peuple, par le Peuple, et pour le Peuple », souligne le Président du PPA-CI dans une lettre au adressée au Peuple de Côte d’Ivoire.

Cette proximité affective porte des revendications sociales persistantes en Côte d’Ivoire, dont la majorité concerne les droits fondamentaux. Ainsi, Laurent Gbagbo positionne le Mouvement « Trop c’est Trop ! », « un levier citoyen », pour « lutter contre la vie chère, les déguerpissements sauvages, l’exclusion sociale, la précarité, l’instrumentalisation de la justice, l’emprisonnement des leaders d’opinions et politique ».

La crédibilité des élections présidentielles reste l’unique possibilité dans ce pays pour promouvoir l’exercice durable des droits civils et politiques, ainsi que des droits économiques, sociaux et culturels. En outre, l’efficacité de la décentralisation découle de ce scrutin. Cependant, en Côte d’Ivoire, au-delà des apparences événementielles et infrastructurelles, les piliers de la cohésion sociale sont fragilisés.

Faute de qualité des processus électoraux, malgré la crise armée de 2002, les générations Z et Alpha se voient transmises les souffrances sociales d’une fracture dont les violences ont conduit à au moins 3000 morts en 2011, suite à une élection présidentielle contestée.

Durant cette période de violences politiques et de crise armée, les ressources naturelles en Côte d’Ivoire subissent un pillage massif illustré en partie par la propagation de l’orpaillage clandestin, la pollution des sources d’eau, la violation des droits de propriété, la hausse vertigineuse des trafics de stupéfiants et des flux illicites…

Pour constituer une administration efficace, il convient de garantir une élection présidentielle crédible en Côte d’Ivoire. Le parti au pouvoir après avoir dirigé le ministère de la construction depuis la crise armée peine devant le Peuple et le Parlement à solutionner de graves violations de la propriété. « L’affaire Komé Bakary » détruit des vies par l’expropriation et brise la confiance sociale.

« Dans le quartier de Gesco, 133 fermiers ont vu leurs enclos et bassins de pisciculture démolis par les autorités le 21 février 2024 sans notification préalable et adéquate », dénonce Amnesty international. Des dizaines de milliers de personnes livrées à la rue, une école injustement détruite en pleine année scolaire, les droits fondamentaux des citoyens sont ainsi foulés au pied. Pour survivre, des adolescentes commercialisent des produits sur la chaussée ou pratiquent la prostitution. Ce visage de la Côte d’Ivoire doit attirer l’attention sur les conséquences imminentes des inégalités sociales à toutes les échelles.

La Côte d’Ivoire : sur « la liste des pays à haut risque »

Voir des forces de l’ordre et des officiers de l’armée trempés dans la vente de stupéfiants, tandis que l’un de ces soldats véreux reçoit un prix d’excellence, ces signaux préviennent. A ceci, s’ajoutent des suicides de corps habillés, des disparitions d’enfants et récemment M’Boua C K, cet adolescent décédé à cause de la sociopathie de l’abus de pouvoir.

Sans surprise, la Côte d’Ivoire figure sur « la liste des pays à haut risque » en matière de criminalité financière. La Commission européenne saisie depuis octobre 2024 par les travaux du Groupe d’action financière (GAFI), confirme des « carences » à différents niveaux démontrées par des signaux faibles tantôt évoqués. Notamment, « dans les enquêtes et les poursuites en matière de BC (Blanchiment de Capitaux) / FT (Financement du Terrorisme) » puis, « l’accès aux informations élémentaires et sur les bénéficiaires effectifs des personnes morales et la vérification de ces informations ».

L’image réelle de la Côte d’Ivoire préoccupe, en ce moment, la communauté internationale au cours de la 59ème session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Parmi ces Etats qui « arrêtent les dirigeants de l’opposition, sapent la société civile et s’en prennent aux défenseurs des droits de l’homme », l’on compte désormais la Côte d’Ivoire, pays déjà classé autocratique. Bien avant, lors de l’Examen périodique universel (EPU) de la Côte d’Ivoire, Amnesty International a déploré des reculades en matière de responsabilité de l’Etat, de sorte à éviter la détérioration du tissu social. « L’usage illégal de la force par les forces de sécurité » et les « violations des droits des femmes, aux expulsions forcées et à la déforestation », dénaturent la Côte d’Ivoire, cet État réputé pays de dialogue et de paix.

A tort, les habitants de ce pays – ­pourtant le plus hospitalier au monde – ont été vilipendés comme étant des xénophobes pour justifier la crise armée de 2002. Pour preuve, le pays est réunifié depuis 2011 mais l’exclusion de candidats à l’élection présidentielle persiste. « En l’absence de recours dans le droit interne ivoirien lui permettant de défendre utilement et efficacement ses droits civils et politiques, M. Thiam n’avait pas d’autre choix que de s’en remettre au Comité des droits de l’homme de l’ONU », annonce son parti, le PDCI.

Entretemps, la constitution de la République de Côte d’Ivoire stipule dès son article 3 que « tout individu a droit au respect de la dignité humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique ». Seulement, dans un labyrinthe d’intérêts mesquins et d’égos, la loi reconnait à Tidjane Thiam sa personnalité juridique tout en lui retirant sa qualité d’électeur, au lieu de se conformer aux dispositions en phase avec la constitution telles qu’énumérées par l’article 4 du code électoral. Il est reproché à ce candidat potentiel à l’élection présidentielle de 2025 l’usage d’une nationalité qu’il n’a plus. Alors que, les conditions de participation aux élections s’évaluent dans le présent, au moment de chaque élection, en Côte d’Ivoire.

« Le poisson pourrit par la tête » dit l’adage. La projection de la culture de l’injustice dans chaque secteur d’activité ou dans les quartiers expose la Côte d’Ivoire à une conflagration pourtant évitables à l’Afrique de l’ouest. Cette zone sous-régionale fragile, déjà esquintée par plusieurs crises liées à l’abus de pouvoir.