Parti pour un marathon nuptial à trois variables, Seydou vient de s’acquitter d’un premier devoir. La dot ou le mariage traditionnel. Plus de 400 mille francs dépensés et d’autres factures en suspend. Avant le mariage civil, l’amoureux doit célébrer un autre mariage traditionnel. Ce, selon sa propre culture après celui dans le village de sa bien-aimée.
Musulman, il est ressortissant du Nord de la Côte d’Ivoire. Sa fiancée, elle, est originaire de Daoukro, au Centre. Au bout d’une vie commune d’une dizaine d’années couronnées par deux naissances, les deux amoureux ont convenu de formaliser leur union. Après l’étape du mariage en pays baoulé, Seydou est sur tous les fronts pour les prochaines étapes. Une des prochaines, l’escale festive dans sa culture et la mosquée. « Ensuite, nous passerons au mariage civil », indique ce trentenaire non sans souligner d’énormes dépenses pour chacune des étapes. Un poids pour cet ouvrier du bâtiment qui vit au rythme de chantiers de construction sans couverture sociale. D’ailleurs, cela fait bientôt deux mois qu’il n’a pas eu de marchés. Mais, « il fallait qu’on le fasse. La pression des parents, ça n’a pas été facile ». Seydou se plie « aux règles » avec ces trois mariages. Pour une seule femme.
Ne lui parler pas de polygamie après toutes ces péripéties. Il ne l’envisage guère, même si, dans sa culture les hommes sont autorisés à prendre jusqu’à quatre (4) épouses. C’est interdit par la loi. Sauf les babatchê(nantis) observent les kpakpato…
Ancrée, la dot est dorénavant dépénalisée par le Code civil ivoirien. Elle constituait déjà une infraction morte car les traditions qui valorisent la dignité humaine demeurent fortes. De même au sein des peuples locaux en Côte d’Ivoire, comme, dans la plupart des pays africains – Burkina, le Mali, le Cameroun ou le Nigeria – avec des spécificités. Des sommes faramineuses dépensées, des cadeaux divers réclamés par la belle-famille du prétendant. Et, bien malin qui peut déterminer la facture exacte des dépenses pendant les préparatifs des nombreux mariages pour un couple. Au cours d’une cérémonie traditionnelle les couples à budget modeste peuvent s’inquiéter et vivre la tradition comme un calvaire, car, d’autres mariages (dépenses) devront suivre.
Dans l’humour et la convivialité, « remplacer les pagnes de la belle-mère usés pendant la maternité de la nouvelle mariée », des billets de banque pour « le transport de la femme », « une compensation » pour tel oncle ou une telle tante qui l’aurait élevée, deviennent lourd à porter. Par ailleurs, au sein d’une même famille, la valeur de la dot peut varier d’une fille à une autre. La porte aux abus, faute d’une légifération conséquente malgré l’importance.
Pour de nombreuses femmes, passer par toutes ces étapes est une fierté, une exigence qui procure respectabilité de la part de l’entourage et assurance d’être réellement aimée. Pour elles, le jeu en vaut la chandelle. Une chandelle qui consume les finances du fiancé et du couple. Au pays du Popo carnaval par exemple, Bonoua, marier une femme pour un étranger à la communauté représente une bien longue gymnastique, coûteuse. Le prétendant débourse plus du double des dépenses réclamées à un natif. Aux mains de la royauté, sans oublier la famille biologique.
L’envie de se lancer est vite avortée souvent par l’un ou l’autre des amoureux, sous le poids des héritages coutumiers, coloniaux et religieux. Un couple sans assurance santé est dépouillé lorsqu’il souhaite formalisé leur union. De nouveaux fonctionnaires y mettent toutes leurs économies. L’entrepreneur au risque d’y fondre son capital déjà à risque est condamné à l’instabilité familiale et sentimentale. En cause, ce nouvel environnement social et juridique dont les mutations souffrent de consolidation adaptée.
Avec 40% de pauvres et une classe moyenne vulnérable; socle de société la société, les familles périclitent pendant leur constitution. Le taux de divortialité sans surprise est à l’image du taux de pauvreté, qui sans doute est plus une pauvreté intellectuelle que matérielle.