Élancé, mais âgé de 15 ans, Kevin grandit dans un environnement où la mode autour du cannabis fascine. Séduit aussi, cet adolescent veille sur de ses pièces favorites. Un caleçon décoré de pétales de cannabis. Pour l’appeler dites Marley, ce pseudonyme qu’il porte fièrement sans plus.

« Il a tout l’air d’un toxicomane ce jeune homme », lance une riveraine. Habituée à côtoyer des caïds du trafic de drogues en pleine floraison dans le quartier. À quelques mètres de sa maison, un fumoir décide de la couleur des nuages quotidiens. Des personnes de réputation dangereuse dont des criminels multi-récidivistes font partie des visiteurs réguliers de cette fumerie. Une industrie en plein essor à Abidjan et progressivement sur l’ensemble du territoire, dont les élèves deviennent des clients adeptes.

Marley depuis son quartier est ciblé. Certes, il se ballade avec des jeunes de son âge, mais, il préfère davantage côtoyer les « vieux-pères » du ghetto pour, dit-il, « mieux comprendre la vie ». Au bras, des bracelets rouge, jaune, vert et noir. « Couleurs rastafariennes », rappelle-t-il avec un brin comique soutenu par des amalgames entre cette philosophie et le business qui le prospecte.

Alors que les trafiquants multiplient les assauts sur le pays pour faire transiter les stupéfiants, une mode de plus en plus diversifiée prend de l’ampleur en Côte d’Ivoire. Le « style Gandja ». Outre l’effervescence des 11 mai, date anniversaire de la disparition de la star interplanétaire du reggae Bob Marley, où les gadgets à son effigie envahissent les marchés, les accessoires de mode décorés de cannabis sont devenus une mode de tous les jours à Abidjan. En effet, il est très commun de rencontrer dans les rues comme dans les lieux de détente, à l’école voire dans les milieux professionnels, des personnes arborer des T-shirts, pantalons, culottes, chaussures, bijoux, ou autres accessoires décorés de pétales de cannabis ou aux couleurs rasta. Adolescents, adultes, tous s’y mettent, consommateurs ou non de drogues. Promoteurs actifs ou passifs, moins préoccupés par les conséquences et les conditions de propagation des drogues.

Cette mode gagne les lycées et collèges, nombreusement infestés par la consommation de drogues. La consommation régulière de cannabis peut faire décliner le quotient intellectuel des usagers adolescents jusqu’à huit (8) points, confirment plusieurs études. La souvenance d’une rencontre avec une collégienne achève de convaincre de l’incrustation avancée de cette familiarisation à la drogue au sein de la jeunesse. Uniforme soigné, aux pieds des chaussettes décorées de cannabis, elle revient du lycée ainsi. Avant-gardiste d’une mode qui s’est ensuite imposée lors des vacances scolaires.

Conscient des risques élevés de dérapage de son fils devenu Marley sans savoir tenir une guitare, avec cette compagnie Abidjanaise, le père du jeune Kévin l’a inscrit dans une ville intérieure pour l’école. Quatre ans bientôt. Mais, ce temps passé loin n’altère en rien l’amour de Kevin pour ses fréquentations du quartier Sideci à Yopougon. Chaque année, il est l’un des premiers sinon le premier vacancier.s à atterrir au quartier. « Souvent dans la première semaine des vacances », se félicite-t-il. Admis en classe de 3ème, Kevin souhaite être affecté à Abidjan après son admission au Brevet d’étude du premier cycle (BEPC). Pour lui, « tout se passe à Abidjan ». Et, « il est temps de prendre sa place » sur l’échiquier. « Je sors avec un vieux-père », lance Marley avant de s’éclipser.

Cet adolescent rassure qu’il ne s’intéresse pas à la drogue avant son rendez-vous pour compatir avec la « Chine » à la douleur du décès de l’artiste coupé décalé Arafat. Une manifestation soldée par la profanation de la tombe de l’idole. Boomerang social.