Cet article est le second d’une série de contenus réalisés dans la commune populaire de Yopougon en immersion dans un milieu précaire ou la drogue complète les peines. « Biberonnés à la drogue » est le titre de ce Dossier qui vous invite au cœur d’un fléau sous une perception moins tapageuse qu’est la vie précaire autour d’un fumoir. Les conséquences sur la société dans sa globalité sont certaines. Vos expériences respectives enrichiront le débat et contribueront à une meilleure action.
C’est un mini-zoo. Là, on y voit des chiens de races différentes, des moutons, des dindons, des poulets, des canards, des oies. Un pangolin y a vécu quelques temps avant d’être mangé, rapporte-t-on. Sur le sol boueux, les excréments des animaux s’érigent en revêtement. Une forte odeur à couper le souffle colonise l’atmosphère à des dizaines de mètres à la ronde. Un air pollué que les riverains respirent quotidiennement. Sous le hangar à côté, un groupe de jeunes discute à haute voix, des chants retentissent. Comme un feu de bois, la fumée des joints allumés s’échappe. C’est un fumoir.
Un va et vient incessant. Chacun vient prendre sa dose. Certains dorment là, à même le sol, en compagnie des animaux qui sont laissé en divagation le plus souvent et sans suivi vétérinaire. Dans ce quartier déjà marqué par l’insalubrité, les animaux du « ghetto » sont une source supplémentaire d’insalubrité et d’infections. Les usagers de drogues tellement intégrés dans la communauté mais sans accompagnements sanitaires, deviennent de facto un canal de transmission pathologique. Un circuit usagers de drogues – animal – écosystème – population locale. Ce contexte garantit les maladies dans un environnement avec de nombreux enfants et personnes âgées. A quelques jours de la publication de ce dossier, un décès d’un homme est signalé. Il a souffert d’une toux…
Le quartier est dépourvu de canalisations. La fumerie ne dispose pas de toilettes. Les consommateurs de drogue font donc leurs besoins dans la nature comme les bestioles élevées. « C’est ainsi dans la majeure partie des fumoirs », explique un usager. Des cas de diarrhée aiguë sont réguliers au sein de la population juvénile environnante. Et, en passant devant les domiciles, ces personnes à l’hygiène corporelle peu flatteuse et à la santé fragilisée n’hésitent pas à évacuer des expectorations glaireuses sur le sol, terrain de jeu favori d’enfants. Le quartier est un jardin de promiscuité à la toxicité.
À Abidjan comme à l’intérieur, les dealers sont à la recherche de clandestinité. Ils investissent les quartiers vulnérables pour y établir résidence. Comme ici à Mami-Fêtê ou Port-Bouët 2 à Yopougon. Sans oublier Gobelet et Anono à Cocody. Au constat, la majeure partie des « zones à risques » détruites par le gouvernement possèdent chacune son fumoir. Une meilleure qualité de vie urbaine peut réduire les risques environnementaux et sanitaires causés par l’usage clandestin de drogues. Il s’agit de la santé des usagers et d’actions de santé publiques préventives, pour améliorer les rapports institutions et citoyens. Les conditions d’éducation dans ces zones n’augurent pas de capital humain productif, si l’État y pense…
La fatalité dans ces endroits précariser davantage par cette consommation sauvage de drogues interroge sur les politiques publiques. Dans ce sous-quartier de Yopougon Sideci, l’arrivée de bulldozers est redoutée. Une partie du quartier a déjà été détruite pour les risques que représentent ces conditions existentielles et contraignantes. Des commis du gouvernement viennent faire des recensements pour l’indemnisation des futurs déguerpis. Il y’a une limite à ne pas franchir cependant. « On ne passe pas là-bas », mettent en garde les riverains. En effet, personne à part les initiés n’est habilité à arriver dans les environs de la fumerie.
Qui donc pour mener une quelconque action de sensibilisation ou de salubrité sur place ? C’est aussi l’une des raisons de l’insalubrité criarde constatée dans des zones comme Adjamé et Abobo, pour de nombreux citoyens qui s’y trouvent, la commune est une fumerie dont le 1er magistrat en fait un non-dit.