La mission du gouvernement de porter une écoute attentive aux populations a été traduite par la prise en compte de plusieurs propositions formulées par l’Observatoire Ivoirien des Droits de l’Homme(OIDH). Cela dit, une large partie de la société civile dont l’OIDH appelle à privilégier les droits fondamentaux dans la politique gouvernementale et garantir la justice sociale en cette crise sanitaire du Covid-19.
Ci-dessous la Déclaration de l’OIDH téléchargeable.
Le Gouvernement doit renforcer les mesures dites sociales et les diriger à l’intention
populations
Le 31 mars dernier, le Premier Ministre, Amadou GON Coulibaly a fait une Déclaration afin
de présenter les principaux axes du Plan de Soutien Économique, Social et Humanitaire adopté
par le Gouvernement dans le cadre de la lutte contre le COVID-19. Ce plan, qui s’inscrit dans
la continuité des mesures annoncées par le Chef de l’Etat à l’issue du Conseil national de
sécurité, est évalué à 1700 milliards. Il s’articulerait essentiellement autour des mesures de
soutien aux entreprises, des mesures d’appui à l’économie et des mesures sociales en faveur des
populations.
Ce plan propose, entre autres, un ensemble de mesures visant à minimiser l’impact de la crise
sanitaire liée au Covid-19 sur la vie quotidienne des populations ivoiriennes notamment
l’instauration d’un fonds de solidarité pour un montant de 170 milliards de FCFA. Ce montant
viserait à appuyer les populations les plus vulnérables dans le cadre du soutien humanitaire
d’urgence, à travers notamment l’élargissement du champ des filets sociaux. Au regard de ces
mesures, l’OIDH voudrait féliciter le Gouvernement pour ce plan de riposte fort ambitieux.
Toutefois, pour l’OIDH, le Gouvernement devrait impérativement renforcer davantage ces
mesures dites sociales pour soulager des populations affectées à bien des égards par la crise du
Covid -19. Le discours du Chef du Gouvernement laisse transparaître plusieurs zones d’ombre
et des questionnements qui méritent clarifications. En effet, l’OIDH s’interroge sur la
disponibilité de ces fonds nécessaires à l’exécution de ce plan de riposte. Ces craintes sont
justifiées d’autant plus que le Premier Ministre a soutenu que : « Le Gouvernement s’attèle à
la mise en œuvre rapide de ce plan pour lequel il a été mis en place sur nos ressources
propres, un fonds de 25 milliards de FCFA. Les discussions sont en cours avec les partenaires
techniques et financiers pour mobiliser des ressources complémentaires. ». Pour l’OIDH,
cette assertion donne le sentiment que les fonds annoncés pour soutenir ce plan de riposte
restent encore indisponibles et doivent surtout être mobilisés auprès des partenaires privés et
des bailleurs de fonds déjà éprouvés par un contexte économique fragilisé par la crise sanitaire
actuelle.
Au sujet des mesures sociales, le Premier Ministre a annoncé que le Gouvernement entend :
« décaler, pour l’ensemble des abonnés, les dates limites de paiement des factures
d’électricité et d’eau, d’avril à juillet 2020, et de mai à août 2020. A cet effet, des facilités de
paiement seront proposées pour soulager les populations ». Pour l’OIDH, cette mesure diffère
le paiement des factures d’électricité et d’eau mais elle ne soulage aucunement les populations
qui sont appelées, implicitement, à honorer ces charges aux nouvelles échéances indiquées,
après probablement plusieurs semaines de confinement. Cette mesure pourrait donc accentuer
la paupérisation des populations vulnérables qui vivent, pour l’essentiel, d’activités
informelles ; lesquelles activités sont pour la plupart suspendues, en raison des mesures
sanitaires et sécuritaires imposées pour freiner l’expansion du Covid-19. Par conséquent,
l’OIDH exhorte le Gouvernement à prendre en charge totalement ces factures plutôt de le faire
pour un million d’abonnés, et ce d’autant que l’arrêt des activités impacte la vie de la grande
majorité de la population.
Par ailleurs, le Gouvernement envisage d’« inciter les propriétaires à faire preuve de
souplesse » et les invite « à discuter avec leurs locataires ». Pour l’OIDH, cette mesure reste encore ambiguë. Elle ne crée aucune obligation à la charge des bailleurs. Pourtant, les loyers
échus constituent l’essentiel des dépenses des ménages. Les reporter ou les différer
éventuellement n’arrêtera pas de les rendre exigibles.
Au demeurant, l’OIDH encourage le Gouvernement ivoirien à :
– Prendre des mesures plus courageuses qui permettront véritablement de réduire les
inégalités sociales et minimiser les risques d’une paupérisation croissante de la
population ivoirienne dans ce contexte de crise sanitaire ;
– Prendre toutes les dispositions nécessaires pour prévenir la flambée des coûts des
produits de première nécessité et soutenir autant que possible les familles vulnérables ;
– Renforcer les capacités opérationnelles des personnels soignants en les équipant du
matériel nécessaire pour leur propre protection et pour une meilleure prise en charge des
malades du Covid-19 ;
– Prendre des mesures visant à désengorger les établissements pénitentiaires notamment
par la libération des détenus souffrant de pathologies graves, des détenus et condamnés
pour les délits mineurs conformément aux recommandations des Nations Unies en vue
d’éviter la propagation du Covid 19 du fait de la promiscuité des détenus ;
– Procéder au dépistage des populations pour anticiper les risques de contamination
incontrôlée ;
– Renforcer les initiatives de sensibilisation des populations en mettant à contribution les
élus locaux et les organisations de la société civile.
Fait à Abidjan, le 03 avril 2020.
Observatoire ivoirien des droits de l’homme