L’audit mené par l’Autorité nationale de régulation des marchés publics (ANRMP) couvre la période 2003-2017. Cette autorité administrative directement rattachée à la présidence se fait rouler par les ministères et appelle l’Assemblée nationale au secours.

20% des marchés totaux passés pendant ces 14 ans par les départements gouvernementaux et autres services publics sont jugés non-conformes aux procédures de passation de marchés publics, conclu le rapport du régulateur. Selon l’ANRMP, plusieurs marchés sont impossibles à tracer, d’autant que les documents afférents à leur conclusion n’existent pas. Volatilisés. Parallèlement, plus de 12% des marchés n’ont pas respecté les procédures réglementaires. Autre révélation, « faute de documentation nécessaire, l’audit ne permet pas de situer les responsabilités ». Flou à tous les niveaux.

Des milliards investis sans traçabilité alors que plusieurs des infrastructures réalisées présentent d’énormes défaillances. Les routes « pluvio-dégradables » font jaser. La qualité des infrastructures réalisées pose problème dans bien de cas. Le rapport de l’ANRMP donne quelques éléments de réponse. Les recommandations techniques contenues dans les cahiers de charges ne sont pas respectées dans 35,5% des cas. Ce, alors que des marchés de gré à gré constituent 29% de l’échantillon des 40 marchés audités. Une somme de 177 milliards F CFA partagée entre copains. Les enquêteurs confirment la mauvaise qualité du béton. Des éclatements sur les routes, des problèmes de résistance de cette matière, de multiples fissures et des affaissements sur les chaussées ou des arrachements de bitume, sont récurrents. À peine livrée, l’autoroute du nord dégradée aussitôt porte ainsi les stigmates de ces défaillances multidirectionnelles: passation de marchés, compétences des entreprises, suivi des travaux. 40% des marchés publics notamment les routes ne sont pas conformes aux normes réglementaires en vigueur au moment des travaux. Plusieurs voies secondaires présentent les mêmes symptômes. Conséquences, d’autres investissements sont mobilisés pour de nouveaux travaux sur les mêmes chantiers à quelques années d’intervalle, sinon des mois.

M. Coulibaly Yacouba, président du Conseil de régulation des marchés publics lance un cri de coeur pour « un regard des représentants de la nation dans l’exécution des marchés publics ». Dans l’opinion, ces révélations de mauvaises pratiques dans les passations de marchés publics commandent des sanctions. Surtout que les pertes engendrées sont colossales. Les services de lutte contre la corruption dont la Brigade de Lutte contre la Corruption créée en 2012, la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (2014) ou l’Unité de Lutte contre le Racket (2014), semblent perdus dans le flux des sommes qui circulent. Dialogue de sourd ou jeux d’aveugles? Un leader du business en Côte d’Ivoire, Adama Bictogo, est par ailleurs très engagé aux côtés du chef de l’État. Or, la bonne gouvernance est un pilier essentiel pour Alassane Ouattara. La corruption étant nuisible au climat des affaires dans un pays. Ce rapport de l’ANRMP va choquer Bictogo sur le flux de milliards qui circulent sans traçabilité et de gré à gré…

Le gouvernement réuni en conseil le mercredi 25 juillet adopte une ordonnance et un projet de loi portant modification du Code des marchés publics. Aucune sanction ou enquête n’est annoncée pour éclairer sur les responsabilités. Les ivoiriens disent « comment rester dans magnans pour enlever magnans ». Une réponse saute à l’esprit, « est-ce que milliards c’est magnan, tchrrr ».

Dommage! Les dirigeants africains ont pris l’engagement de faire de la lutte contre la corruption leur cheval de bataille. Comprenez pourquoi l’argent est dilapidé à la vitesse du faucon ! Transparency International estime que « des avancées concrètes se font attendre » pour s’éloigner de la corruption. Dans son Indice de perception de la corruption (IPC) livré en 2018, l’organisation alarme sur l’état du fléau en Afrique de l’ouest. La zone la plus corrompue, signale-t-elle. La Côte d’Ivoire arrive au 105e rang sur 180 en matière de corruption.

L’Autorité nationale de régulation des Marchés Publics a été créée en 2009. Son rapport s’étend sur la période 2003-2017. Bien longue, avec deux gouvernances différentes. Pour peu de marchés passés en revue. L’ANRMP en tant qu’autorité administrative indépendante avait le choix de concentrer son étude sur la période de pacification du pays.