La décomposition du poisson commence toujours pas sa tête. Celle de la société non plus. L’élite africaine dont le gotha représentatif se trouve être les Universitaires du Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur(CAMES) est éclaboussé par un scandale sans précédent. Au sein de cette institution panafricaine censée veiller à la conformité des diplômes et à la la floraison d’un système éducatif et Universitaire de qualité, l’éthique et la déontologie ne guide pas toutes les décisions. Plusieurs docteurs émérites sont accusés de « graves manquements ».

Le rapport de la Commission d’éthique et de déontologie du Cames documente, preuves à l’appui, des pratiques de favoritisme de plusieurs professeurs titulaires. Ces derniers usent de « leurs positions stratégiques et institutionnelles pour avantager certains collègues par des promotions imméritées et surtout pour humilier certains autres qu’ils recalent alors qu’ils mériteraient d’être promus », déplore la Commission. Des sanctions sont tombées à l’encontre de quelques cinq( 5) accusés, tous originaires d’Afrique de l’ouest.
Ceux sont les professeurs Dandi Gnamou et Ibrahim Salami David du Benin, Dodzi Kokoroko du Togo, Adama Kpodar, et Djedro Francis Meledje de la Côte d’Ivoire.

Qu’un Ivoirien figure parmi les Universitaires mis en cause ne surprend pas l’opinion locale. Ici, des plaintes récurrentes sont formulées pour dénoncer un favoritisme ancré au sein de la hiérarchie universitaire et dans plusieurs compartiments de l’administration publique. « Devenir docteur, c’est un parcours de courbettes », lance Félix, titulaire d’une maîtrise à l’Université de Cocody d’Abidjan. Cet ancien étudiant du Pr Djedjro explique qu’il faut avoir un parrain puissant, sinon se transformer en valet d’un professeur titulaire – transporter ses affaires, lui ouvrir la portière de la voiture – pour avancer dans ses travaux de recherches et vite soutenir. Les témoignages sont nombreux dans ce sens. Félix s’est donc résigner à poursuivre ses études jusqu’au Doctorat. « C’est une question de principes et de logique. On évolue par compétences ou par la corruption ? », interroge-t-il avant d’ajouter « si les hommes souffrent autant, imaginez ce que doivent subir nos soeurs »…

La corruption, le népotisme motivent bien de promotions socioprofessionnelles en Côte d’Ivoire et sur l’ensemble du continent où les pouvoirs publics se transforment en entreprises familiales : frères, fils, nièces et autres membres de famille de dirigeants se télétransportent à des postes importants dans les hautes sphères du pouvoir. Conséquences directes? La perpétuation du cercle alimenté par une corruption de plus en plus grande et flagrante. En Côte d’Ivoire, les scandales de vente de concours à la Fonction publique se répètent. Aucune sanction contre les responsables. L’impunité est ainsi un des principaux facteur aggravant de la corruption intellectuelle et financière des élites. C’est en tous cas la position de monsieur Ahmedou Ould Abdallah, membre de Transparency International. Selon ce diplomate Mauritanien, « c’est l’impunité qui protège les élites corrompues ». Ce, quand bien même les finances publiques ou des fonds représentant des aides au développement sont détournés par ces produits et acteurs de la corruption. Couverts par cette pseudo-souveraineté valable que pour défendre des intérêts personnels. Si le scandale d’une nomination tendancieuse au coeur de la Petroci a haussé les colères en Côte d’Ivoire; au Sénégal, face à des accusations de détournements de fonds pétroliers le frère du Président de la République se justifie bredouille. En Guinée équatoriale n’en parlons pas. Le jour anniversaire du Président est férié! Les populations travaillent donc pour ce dernier.

La culture de l’éthique baisse à mesure que celles du népotisme et de la corruption sont entretenues par une minorité argentée après une mainmise sur les ressources publiques. Le goût de la qualité ne s’en porte pas mieux. De nombreux cadres aux diplômes mirobolants convainquent difficilement de leurs compétences sur marché de l’emploi. Les chefs d’entreprises locaux peinent en effet à avoir des travailleurs qualifiés sur place, indique-t-ils dans une étude du cabinet PWC. 45% des CEO en Afrique se disent en effet préoccupés par la question des compétences.

Félix s’est orienté dans une formation en communication ensuite. La quarantaine révolue, il est encore au chômage. Il apprend à ses dépens « que relation est mieux que diplômes », comme tonnent ces chansons Zouglou. Autant que Félix, ceux qui n’ont pas su danser au rythme de ce tambour sont nombreux. Privés d’accès à l’éducation, à la formation et contraints au travail précaires. D’Abidjan à Dakar, comme ailleurs en Afrique la persistance de la corruption enterre bien plus que le palu.