Un carnage aux auteurs inconnus fragilise la cohabitation sociale ce jour de prière, Vendredi. Plus de 130 personnes ont été massacrées dans un village Peul au centre du Mali. Victimes tailladées à la machette ou brûlées, concessions calcinées, animaux tués, Ogossagou présente un visage sanguinolent. Les assaillants, habillés en tenues traditionnelles de chasseurs orientent les regards accusateurs vers la communauté Dogon et pourtant tellement de Dogons se sont attachés aux Peuls par la langue et autres habitudes.
Dans le village sinistré comme dans ul’entendement des autorités, les groupes de défense Dogons seraient à l’origine de l’attaque. Le premier ministre Malien a prononcé, au lendemain du drame, la dissolution du groupe d’autodéfense Dogon « Dana Amassagou ». Les mis en cause nient toute implication.
Sur place, l’atmosphère est tendu malgré le « sabari » du président de la République. Ibrahim Boubacar Kéita, en visite dans la localité, promet sécurité et justice après une corruption dénoncée d’autorités administratives partisanes. Des risques de représailles planent toutefois. Six personnes ont été tuées dans le centre dans deux attaques distinctes de villages dogons dont trois femmes.
Entre Peuls et Dogons, des antécédents similaires perdurent depuis des années accentués par la présence djihadiste. Si par le passé, la principale cause des affrontements étaient la question des ressources naturelles – forêt, terre, eaux -, de nouvelles accointances présumées avec les terroristes s’ouvrent. Les Dogons accusent les Peuls très islamisés d’être de mèche avec les djihadistes quand ceux-ci évoquent une main trop protectrice du gouvernement vis-à-vis des premiers.
Cette énième attaque listée à tort ou à raison au chapitre des conflits communautaires vient accentuer un climat sécuritaire fragilisé sur l’ensemble du pays. 500 civils ont été tués en 2018 par les terroristes au Mali, et 200 sont morts dans des conflits communautaires la même année seulement dans la région du centre, nouveau théâtre de l’insécurité après le Nord. Plusieurs établissements scolaires y sont fermés, cibles des terroristes comme au Burkina voisin. Au-delà, l’insécurité dans cette région menace des richesses locales dont les constructions et le mode de vie des Dogons qui ont valu de classer les falaises de Bandiagara patrimoine de l’humanité par l’UNESCO. Les attaques se soldent régulièrement par des pillages. Les mosquées centenaires de Tombouctou et de Gao, également classées « patrimoine mondial », ont subi les affres des attaques terroristes en 2012. Un plomb dans l’aile de l’économie locale mise à genoux par le déplacement régulier des villageois, principalement des pasteurs, la perte des devises du tourismes et du système éducatif paralysé. La sécurité alimentaire est un défis majeur dans ce pays ouest-africain. Selon les estimations des responsables du système d’alertes précoces à la sécurité alimentaire au Mali, 3 millions de personnes sont sous pression alimentaire avec une forte proportion dans cette région. Et, dès le mois de juin, 416 000 personnes pourraient être en situation d’urgence. Le Centre d’études stratégiques de l’Afrique estime à 972 000, le nombre de personnes en attente d’une assistance humanitaire dans la région de Mopti, dans le centre du Mali.
Des conflits dits communautaires sont répandus en Afrique après des siècles de cohabitations nourries par des alliances interethniques ou maritales. En Guinée, au Nigeria comme en Côte d’Ivoire, des conflits communautaires meurtriers sont enregistrés. La question des groupes d’autodéfense inquiète par ailleurs chez les voisins ivoiriens et burkinabé du Mali. Les Dozos en Côte d’Ivoire ou les Coglweogos au Burkina, armes à la main, sont indexés comme auteurs de plusieurs exactions.
Face à l’accroissement démographique et à la pauvreté, les modes de règlements traditionnels deviennent inefficaces. Et pourtant l’État est gangrené par la corruption et une tendance à l’instrumentalisation.
Prière collective pour que la paix revienne au Mali