CAP Côte d’Ivoire (Coalition pour l’alternance pacifique en Côte d’Ivoire), à travers une mobilisation collective inédite ce 31 mai 2025, réitère son appel pour des élections démocratiques, inclusives et transparentes en Côte d’Ivoire. Ce premier grand rassemblement, d’une pluralité de partis politiques, interpelle l’élite nationale et la communauté internationale sur l’urgence d’agir en amont avant de se retrouver dans une spirale de contestations dont les formes et les conséquences restent imprévisibles.
« Fiers ivoiriens le pays nous appelle », scandent à l’unisson cette foule plurielle et Charles Blé Goudé, Président du Cojep, à la tête du comité d’organisation de ce meeting historique. « Au-delà de notre égo, au-delà de nos ambitions personnelles, nous voici regroupés au nom de CAP Côte d’Ivoire », précise-t-il. Ce leader est pourtant éjecté de la liste électorale actuelle et privé de son droit de prendre part à la conduite des affaires publiques, par voie d’élections. D’autres leaders, dont le président du PDCI, Tidjane Thiam, membre de cette Coalition, se retrouvent exclus du processus électoral.
La veille de ce meeting de CAP Côte d’Ivoire, le FPI, parti politique au sein de ladite Coalition a dénoncé la fermeture momentanée de son siège par l’administration publique. « Le pays a besoin d’être libéré », lance Pascal Affi N’Guessan, président du FPI, dans la ferveur de l’espérance escomptée par cette mobilisation de CAP Côte d’Ivoire au cœur de la plus grande commune du pays. Cet ancien premier ministre dénonce une instrumentalisation de la justice, une violation des droits de l’homme, la gangrène de la corruption et une Commission électorale qui ne permet pas aux citoyens ivoiriens de s’exprimer largement. A ce propos, lors de son intervention au pupitre, ce leader politique, rappelle aux dirigeants au pouvoir « qu’ils ont tort de croire qu’ils peuvent faire un passage en force à l’occasion des élections de 2025 ».
En effet, dans le contexte de la pacification du climat politique suite à la guerre de 2002, jusqu’aux violences post-électorales de 2011, plusieurs alliances voient le jour en Côte d’Ivoire, dont celle qui favorise l’arrivée du pouvoir en place, le RHDP. Après coup, le PDCI, pilier du RHDP, se retire de ce groupement et conteste avec l’opposition dans son ensemble, conformément à la lutte menée pour la constitutionnalisation de la limitation des mandats, l’impossibilité pour tout Président de la République de faire plus de deux mandats présidentiels.
Cependant, l’exil de plusieurs leaders politiques, le surpassement pour la pacification du pays suite aux fractures sociales, la crise mondiale de la Covid-19, tempèrent la contestation du scrutin présidentiel de 2020 en Côte d’Ivoire. Toutefois, l’année électorale 2020, avec son cortège de violences et de contestations, reste une antivaleur, une entorse à la démocratie et une déception populaire avec des conséquences dramatiques encore dénoncées, face auxquelles les dirigeants actuels continuent de se justifier.
Sauf que, après toutes ces crises et tant de concessions pour rebâtir l’Etat de droit, s’observent en Côte d’Ivoire, « des arrestations nocturnes de citoyens en violation des dispositions du code de procédure pénale. Pus grave, « l’établissement de la liste électorale et l’organe chargé de l’organisation des élections sont l’objet de contestations et de polémiques », déplore le Barreau de Côte d’Ivoire dans une déclaration diffusée le 29 avril 2025.
Simone Ehivet Gbagbo dénonce lors de ce meeting de CAP Côte d’Ivoire plusieurs insécurités et inégalités dans le fonctionnement de l’État. Dont, l’attitude expansionniste des chasseurs dozo originaires du nord, le recours à ces chasseurs contre ou au détriment de l’armée nationale, le refus à l’opposition du droit de réunion dans le nord de la Côte d’Ivoire, quatorze ans après une crise postélectorale avec pour principales contestations les conditions du vote dans le nord du pays, lors de la présidentielle de 2010.
Malgré l’évidence de plusieurs obstacles et insuffisances à résoudre en urgence absolue pour un scrutin démocratique, la Commission électorale s’est empressée, comme c’est le cas très souvent après chaque activité de l’opposition, de tenir une conférence de presse, et cette fois-ci, d’annoncer une liste électorale définitive. Les colères montent et la Côte d’Ivoire bascule. Ce refus de l’audit de la liste électorale, cette violation du droit de vote en pleine année électorale à des millions de citoyens qui souhaitent s’inscrire sur la liste électorale, exaspèrent. Hormis CAP Côte d’Ivoire, une autre partie de l’opposition crie « trop c’est trop » et se mobilise pour dire « non » à cette gestion électorale. « Vous pensez jouer avec l’avenir du pays pour vos ambitions personnelles. Mais, tôt ou tard, si la Côte d’Ivoire tombe(…) vous serez les premiers responsables. Jouez au sourd mais les ivoiriens vous regardent avec sérénité », vitupère cet internaute en rappelant l’importance de l’élection présidentielle pour la qualité de la gouvernance et la formation d’une Nation.
Pour le Président de la Commission électorale, le Magistrat COULIBALY-Kuibiert Ibrahime, la réalisation du parrainage instauré au forceps et contesté par l’opposition pour son caractère contradictoire avec le secret de vote, devient prioritaire par rapport à l’ouverture d’une possibilité d’inscription des citoyens sur la liste électorale en 2025. « Nous n’accepterons pas un passage en force », rétorque Simone Ehivet, dès la publication de cette « liste électorale dite définitive ».
« Le Barreau de Côte d’Ivoire appelle à bâtir une paix durable par le respect du droit en cette période préélectorale ». Loin derrière le Sénégal (69ième), le Ghana (50ième) et même le Libéria (78ième), tous classés pays démocratiques, la Côte d’Ivoire se situe au 107ième rang mondial comme pays autocratique, mentionne le rapport de l’Institut V-Dem promoteur de la « Journée de dialogue politique ».
Devant la Nation, certains dirigeants, aux frais du contribuable, narguent. « En Côte d’Ivoire où les plaies du passé appellent encore à la vigilance, le droit doit servir de boussole pour protéger les fondamentaux de tous les citoyens sans distinction d’origine, de religion ou d’appartenance politique(…) la paix doit se faire par l’égalité de tous devant la loi et l’égale protection de tous devant la loi », insiste le Barreau de Côte d’Ivoire, tout en rappelant l’importance du respect de la séparation des pouvoirs et celui des mécanismes juridiques tels que la médiation, l’arbitrage ou le dialogue entre les acteurs politiques .
Face à l’observation holistique des conséquences protéiformes de l’abus de pouvoir par l’autorité, Emerich Edward prévient : « le pouvoir absolu corrompt absolument ». Les crises consécutives qui ont affecté le tissu social et l’économie de la Côte d’Ivoire démontrent que ni l’Etat, ni des groupes ou des individus, n’ont le monopole de la violence. Bien plus, lorsque le murissement traduit le sens de la responsabilité et de l’équité, l’autorité s’élève au-dessus de la mêlée et des fins tragiques. Dans le rétroviseur, voyez-vous, il y a des réponses pour surmonter les clivages et mieux conduire la Côte d’Ivoire, dans le respect de tous.