C’est le premier weekend après la levée de l’isolement du Grand Abidjan. La liesse manifeste de la mobilité et le défoulement naturel se joignent aux risques accidentels fréquents. Un voyage triplement cher payé, entre chauffards, tarifs haussiers et propagation virale. Or, les transporteurs aussi crient leur désarroi.

En plus de l’amertume causée par le décès de plusieurs leaders d’opinions ressortissants du nord de la Côte d’Ivoire, des accidents de la circulation s’ajoutent aux souffrances. Dans le Poro et le Hambol, plusieurs accidents (engins à deux roues, véhicules poids-lourds et bus) se signalent. Au moins quatre personnes tuées sur les routes de cette partie du nord, au cours d’une semaine funèbre. La covid-19 immobilise plus de 5000 citoyens et a tué 92 personnes, dont des personnalités. Avec 14 312 cas confirmés, ce virus concurrence les accidents de la circulation, en Côte d’Ivoire. En 2019, le pays enregistre près de 30 mille victimes déclarées (24 907) contre la moitié de cette estimation pour la Covid-19 cinq mois après son apparition (mars 2020).

Cependant, les risques sanitaires dans les transports se multiplient. L’incivisme en communauté ou au sommet de l’Etat compliquent la sensibilisation au respect des consignes médicales.

Ce citoyen ne le cache pas lorsqu’il lance BIM au visage d’une sensibilisation présidentielle : « n’importe quoi ! ». En effet, comprendre cette indignation peut s’expliquer par la médiatisation de photos où le Président ADO et plusieurs autres personnalités ne respectaient pas les consignes médicales et sécuritaires.

Il en est de même pour ce passager au corridor de Grand-Bassam. Qui, malgré plusieurs sensibilisations du conducteur s’obstine à ne pas porter son masque. Puis, à la venue des forces de l’ordre, il descend du véhicule et emprunte un taxi pour continuer son chemin invique.

Dans sa parution du 30 juin au lundi 06 juillet 2020, l’hebdomadaire L’Éléphant déchaîné rapporte une grande complaisance des forces de sécurité. Par ailleurs complices de l’incivisme général.

Sur l’axe N’dotré – Abengourou, un contingent CRS4 prend position pour un contrôle. Ce mini-car se soumet au respect des forces de l’ordre, mais il sera immobilisé pendant une trentaine de minutes. Le conducteur a tenu aux respects des mesures barrières édictées. Contre toute attente, l’un des éléments de la police sur place lui confie qu’il préfère le laisser circuler en surnombre avec une immatriculation finalisée. Un billet de banque se glisse lors de l’échange ; le véhicule peut maintenant continuer le voyage. Pour de nombreux passagers, le temps d’un voyage aller-retour vient d’être mis en péril, grâce à la petite bête dénichée. Le conducteur énervé et écœuré au volant met la vie d’une multitude en danger. Ce dernier raconte son calvaire, perdu dans des calculs, car il roule presqu’à perte. Le coût du transport hausse dans la plupart des compagnies sur tous les axes.  La corruption est au cœur des malheurs sociaux. Que faire ? Ce conducteur soupire, « on est noyé ». Le policier vient de lui amputer le peu qu’il gagne en argent et en temps, d’autres racketteurs constants l’attendent devant. Ce cycle quotidien de pression et d’abus n’améliore pas les rapports entre cet analphabète et l’administration publique. Et pourtant, il était reproché à ce conducteur une procédure d’immatriculation en suspend. Au final, le client paie le prix en argent et y perd sa vie aussi.

La famille de la brillante pédiatre, Professeure Laurence Adonis-Koffy, a été tuée avec son époux et son enfant par des chauffards, dans ce bain d’incivisme notoire. Un simple contrôle de routine se transforme en calvaire pour les citoyens.

Pour atteindre la sécurité alimentaire ou développer un commerce intérieur et sous régional durables, le casse-tête continue. Cette jeune fille entreprenante en attendant, paie quatre fois plus le tarif Abidjan-Jacqueville pour le transport des modestes denrées qu’elle commercialise. Avec ou sans masque, malgré son ticket, le nœud gordien c’est l’argent à tout prix. Un tintamarre auquel le citoyen s’accroche en cherchant sa survie. Comme un akpani (chauve-souris) sur une portière qui balance. La crise sanitaire de la Covid-19 souffle un vent de business masqués.