« La gnagne est là » . C’est la police, qui effectue une descente dans le fumoir. Ce jour, aucun coup de feu n’est entendu, aucune arrestation enregistrée. Consommateurs, dealers, riverains connaissent la routine. La descente policière de ce jour est plus courte que d’accoutumée rapportent-ils. Elle ne dure que le temps de la négociation du pot de vin. L’un des responsables du fumoir confie avec fierté avoir « mouillé la barbe des policiers ». Selon le dealer, lui et ses compagnons ont versé 30 000 F CFA aux policiers pour qu’ils rebroussent chemin contre 50 000 F CFA réclamés par les soldats. Ils repartent aussitôt, comme le Préfet d’Abidjan avant eux.

En effet, quelques semaines plutôt, le Préfet visite Kpimbli, le quartier voisin où le commerce de drogues fait florès également. L’autorité est là pour sensibiliser sur les risques d’éboulements de terrain de la saison des pluies. Déguerpir les zones à risques. Mais, et le fumoir trentenaire se demande-t-on ? Point névralgique de la précarité de plusieurs générations. Combien d’autorités préfectorales se succèdent à Abidjan depuis son existence ?
Moins d’une semaine après la visite de Vincent Toh Bi, ce fumoir de Mami-fêtê est détruit. Le hangar, les sièges saccagés par des soldats. Mais, en moins d’une heure, l’échoppe de drogue renait de ses cendres. C’est un rituel dorénavant. Mille fois détruit, et mille fois reconstruit. En un temps record.

Pour un vieil habitant de ce quartier, « si les autorités veulent, elle peuvent faire disparaitre ce nid de gangsters ». Mais, « il y’a trop de corruption », estime le vieil homme. Le « Global corruption barometer » de Transparency publié mi-août lui est étranger. Mais, le rapport abonde dans le même sens. Selon le document, l’ensemble des secteurs de l’administration est touché par un degré élevé de corruption. La police s’avère être le secteur le plus corrompu dans ce pays. Les « Éperviers » captent-il autant de bandits que le corps ne capte de pots de vin ? Le trafic de drogue grandit somme toute.

Les quartiers de Yopougon, commune géostratégique, référentielle en terme de superficie, de populations et d’activités économiques en Côte d’Ivoire subissent un déguerpissement des micro artisans et marchands. Une opération d’envergure justifiée par des travaux d’assainissement et de libération du domaine public. Et pourtant, les fumoirs augmentent dans la zone. Ces populations rendues plus vulnérables, par ailleurs, davantage exposées.