Plus de 10000 jeunes livrés à la famine en cette période de précarité sanitaire lancent un appel à la détresse. Surendettés depuis plusieurs mois, ces enseignants contractuels réjouis par une initiative sociale du gouvernement se retrouvent pris dans les mailles de l’exploitation. Ils se sont endettés pour se former. Une fois affectés, ces jeunes vulnérables ne sont pas sortis de l’ornière. Engloutis dans la précarité, ils supplient trois(3) mois d’arriérés de salaires.

« J’aimerais vraiment faire une doléance au gouvernement ivoirien concernant le traitement des enseignants contractuels de Côte d’Ivoire. Cela fait cinq(5) mois que nous avons été balancés un peu partout dans le pays, sans aucune mesure d’accompagnement », déplore cet enseignant recruté dans le cadre d’un programme social mais devenu lui-même un cas social. Ils sont plus de 10000 jeunes attirés dans l’espérance du travail décent promue par le gouvernement de Côte d’Ivoire. Ce recrutement avec un salaire payé à moitié n’a pas freiné le dynamisme du volontarisme de cette jeunesse. Par ailleurs, depuis la formation jusqu’au lieu d’affectation le calvaire les tient en laisse.

Ils se sont endettés pour pouvoir assurer la formation après leur admission aux tests de recrutements. Puis, les déplacements et l’installation dans leurs différentes localités. Aujourd’hui, cela fait trois(3)  mois qu’ils sont au pied du mur sans salaire alors qu’ils doivent payer le loyer, le transport, se nourrir, sans oublier leurs petites familles. En cette période sensible où ils s’attendaient à geste humanitaire du gouvernement, toujours rien. Nombreux sont-ils dans ces localités affectées par le Covid-19. Livrés à eux-mêmes, c’est avec désespoir que plusieurs cris de cœur sont lancés sur la toile. Et pourtant, un véritable battage médiatique a accompagné ce programme social du gouvernement.

La joie de ces jeunes s’est très vite transformée en cauchemar. Ils affrontent seuls les effets collatéraux de ce contrat truffé de vices, ne sachant à quel saint se vouer. « À l’heure où je vous parle, certains ont été vidés de leurs maisons pour faute de paiement de loyer, d’autres sont tellement endettés au point où on refuse de leur faire crédit, il y en a plusieurs qui sont déjà allés allouer les services des margouillats [ndlr créanciers sordides], car tellement coincés », rapporte un membre du collectif des délégués des enseignants contractuels.

Rester muets ou être radiés

Les enseignants contractuels  ne peuvent faire aucunes revendications, au risque de se voir radiés définitivement. « Nous avons reçus de nombreuses mises en garde de la part des responsables du ministère de l’éducation nationale. Celui qui tentera une revendication sera radié »,  confirment plusieurs d’entre eux.  Ainsi, dans le piège du silence et de l’espérance, les velléités de revendications qui pourraient naître au sein du contingent Psgouv2019 sont étouffées. « Chacun se méfie. Personne n’ose dire quoi que ce soit. Les intentions circulent uniquement en sourdine. On ne veut pas connaitre le sort de certains grévistes précédents. Personne ne veut être renvoyé car difficile de trouver un emploi dans ce pays. », supplie un recruté surendetté.

La banque s’enrichit néanmoins

Plusieurs banques commerciales avaient décidé d’accompagner et faciliter l’installation de ces nouveaux enseignants. Des ouvertures de comptes avaient eu lieu sur les différents sites de formation avec des mesures d’accompagnement souples. Mais contre toute attente, les responsables du ministère de l’éducation nationale, dans une note N.003446 en date du 19 décembre 2019 ont informés les directeurs régionaux et départementaux ainsi que les chefs d’établissements et les inspecteurs de l’enseignement primaire du paiement des pécules  dans les structures de la banque populaire de Côte d’Ivoire de leur Drenet de rattachement.

Cependant, cette banque prélève des montants élevés allant de 6000 à 11000 f cfa quand le gouvernement effectue des virements au compte-gouttes. « Nous n’avons même pas encore perçu la prochaine paie, la banque envoie des messages via son service bankcell et nous sommes débiteurs d’un montant de 13000 f cfa ».

Malgré tout, les enseignants contractuels que nous avons rencontré gardent espoir. Ils ne cessent d’implorer la providence afin que le gouvernement opère un miracle en cette période de propagation virale où les populations sont contraintes au confinement et doublement exposées à des précarités multiformes.