Dans cette petite baraque qui lui sert d’atelier, ce couturier est pris de court par l’annonce de la fête de l’Aïd-el-Fitr. Il court dans tous les sens. Ses clientes viennent à lui de pareille façon. 

Ces femmes sont là pour récupérer leurs vêtements déposés, pour certaines, il y a à peine quelques jours pourtant. Qu’importe ! Ce soir, aucune ne veut repartir sans que Vivien ne peaufine son modèle. Cet artisan couturier a pris des engagements fastidieux.

La colère gagne Fanta, d’un teint clair tchatcho (décapé), elle devient rouge pour sa blancheur. Son Bazin est cousu, mais son visage décousu. Ce n’est pas le modèle que Fanta a indiqué. L’oubli, la pression intense et le désordre ont épousé Vivien.

Il est 22 heures et plus. Vivien est obligé de libérer ses jeunes apprentis, qui aussi, doivent soulager leurs parents dans de multiples tâches liées à la circonstance. L’insécurité du Koweït, sous-quartier de Yopougon en fait sa renommée. Cet artisan veille ce soir. Comme ses clientes il aura sûrement du rouge mais dans les yeux.

Il mormone : « comment peut-on parler de rendez-vous non respecté quand une date précise n’a pas été fixée ? ». Confronté a plusieurs litiges cumulés, l’artisan réclame un arbitrage. Au football, Vivien aurait réclamé la VAR ( arbitrage par assistance vidéo ) de la part du Cosim (Conseil supérieur des imams), qui vient d’annoncer la tenue de la fête finale du Ramadan. Les couturiers ont la tête qui bouscule à l’approche de l’annonce de l’aperçu d’une lune. Moment qui sonne comme heure butoir des livraisons retardées ou pas.

Vivien n’est pas le seul sous la pression. Ali, quelques pas plus loin, tourne à plein régime. L’un de ses trois apprentis prépare du café. L’atelier grouille de monde. Des clients patientent, d’autres vont et viennent entre leur domicile et l’atelier. Les dames désirent suivre en direct la réalisation de leurs travaux. Le match est serré.

Celle-ci s’exprime tantôt en malinké tantôt dans un français gribouillé. « Voici la modèle je t’a montré. Et puis tu fais connerie pour me donner », lance-t-elle. Des éclats de rires tonnent. La demoiselle analphabète n’est pas la seule dans le lot des indignées. La déscolarisation mine. Les imams prient pour le bon déroulement des examens de fin d’année scolaire. De nombreuses grèves minent le secteur de l’éducation. Plus d’engagement dans la sensibilisation de la scolarisation, c’est pas de refus. De nombreuses cotisations mobilisées pour une chaîne de télévision avec un décodeur au prix polémique. Cette dame saura-t-elle lire la notice de son canal ? L’école est obligatoire en Côte d’Ivoire de 6 à 16 ans. Cette loi est encore un code incompris des communautés.

Autour de 3h du matin, Vivien est bien avancé. Il est sûr de livrer ses clientes à temps. Les yeux rouges et un sourire Nouchi. « Chaque année, c’est le même « magatapé » (ndlr effet surprise qui nécessite une improvisation). «On se remue et on fait la paix, après », confie l’artisan préféré de Fanta gbê.